Ah cool, je suis très content de pouvoir discuter avec un scientiste naturaliste positiviste, c'est rare d'en trouver des pas trop occupés à décoder l'origine de l'univers pour se permettre de discuter épistémologie :)
Pour commencer, avec Darkent vous semblez faire référence à des discussions que vous avez eu avant et dont je n'ai pas connaissance du coup je ne comprends pas très bien. Je ne renterai donc pas dans vos histoires de sciences molles vs sciences inhumaines pour l'instant, je vais juste répondre à tes critiques sur mes propos.
Je comprends tout à fait l'agacement du scientifique made in grandes écoles françaises qui voit ces philosophes-artistes ratés essayer d'utiliser les Sciences Dures comme argument d'autorité sans y comprendre que dalle.
Pour autant, si je l'ai dit rapidement, forum oblige, je ne pense pas tenir un propos aussi farfelu que ce que tu dis. Je vais donc préciser un tant soit peu, et tu me corrigeras si ça te choque toujours. Au passage, évite de prendre les approximations que je vais sans doute faire, ou les mauvais emplois de termes techniques possibles, pour des preuves de mon incompétence crasse sur le sujet. Tu peux me critiquer et me corriger, mais essaye de me faire crédit de sérieux.
Commençons par le plus évident :
Citation :
Le lien entre les schémas de pensées et l'architecture physique du cerveau, sa topographie réelle, c'est de la pure spéculation.
Alors il ne me semble pas, au contraire, c'est le principe même du connexionnisme : le cerveau se construit par renforcement de certaines connections, renforcement effectué par l'environnement (au sens large, incluant les interactions sociales). La neurogénèse ne s'arrête par ailleurs pas à l'adolescence mais continue tout au long de la vie, en fonction des interactions avec le milieu. C'est le principe même de l'apprentissage. Bon là on est pas dans la modification profonde de la topographie, mais tout de même, on est dans l'influence du milieu sur la structure physique d'un cerveau. Dans la même idée, mais en plus impactant encore, on sait que la privation de vision d'un chaton pendant une courte période de sa jeunesse va influencer les cablages neuronaux qui vont se créer dans son cerveau. La vision vient en voyant en, gros. De même, un traumatisme qui détruit la "zone du langage" dans le cerveau ne va pas forcément entrainer une incapacité au langage, au contraire des connexions nouvelles et inattendues vont pouvoir se créer ailleurs. Et ça pour le coup, c'est un changement de topographie. Bref pour citer Changeux, que tu dois aimer d'amour si tu connais le sujet, "le cerveau n'a rien d'un automate rigidement cablé mais se développe en constante interaction avec son environnement", ou kek'choz du genre.
Dans la même idée on connaît l'influence de l'environnement sur les perceptions (auditives/visuelles notamment) et donc de fait sur le cerveau : la langue que tu parles, ou plutôt dans laquelle tu baignes, impacte presque irrémédiablement ta capacité à catégoriser les sons et à segmenter la chaîne parlée. Pour ce qui est de la vision, on connaît les exemples classiques sur la manière dont l'environnement culturel (maîtrise des perspectives en dessin, construction linéaires en architecture...) influence la sensibilité aux illusions d'optique par exemple.
Bref, bref, bref, je pense pas que l'effet de la culture sur la structure du cerveau puisse être remise en cause. Attaquons nous à l'ADN, le Code de la Vie que quand on l'aura compris on aura compris le Programme de l'humanité.
Citation :
L'épigénitique concerne le fait que selon des conditions environnementales (dont les interactions sociales ne sont qu'une partie infitésimale hein, mais genre, meme pour l'humain messieurs les sociologues) il peut arriver que certaines parties d'un génome s'activent ou non chez certaines espèces.
Pour commencer, il y a deux grandes acceptions de l'épigénétique. Celle que tu donnes (= modification de phénotype sans modification de génotype), et une plus radicale encore, qui postule que des changements environnementaux peuvent entraîner des changements phénotypiques HEREDITAIRES. Globalement c'est que y'a pas modification du génome en lui-même mais de sa méthylation, et que cette méthylation serait d'une manière ou d'une autre transmissible.
Bon, ça contrairement à ce que tu dis, c'est pas une élucubration de métaphysicien illuminé, l'exemple le plus connu est
celui-ci qui montre que l'exposition à la famine d'une génération peut entrainer des prédispositions génétiques diverses plusieurs générations plus tard. Et c'est dans EJHG, pas dans la Revue de Littérature Médiévale Comparée. Bon, la famine c'est peut-être pas assez culturel, alors il y a toute la floppée d'études qui montrent comment le stress vécu par des parents sur la méthylation de l'adn de leurs enfants.
Bref, la TRANSMISSION DES CARACTERES ACQUIS, c'est certes néo-lamarckien, mais c'est scientifiquement avéré. Et ces caractères acquis, ils viennent de l'environnement, donc de la culture.
Quand tu dis :
Citation :
Bref l'equivalence unique entre phenotype et genotype, postulat très ancré, est parfois contredit par les constations expérimentales qu'il faut bien expliquer.
Je te trouve un peu euphémique. Ce n'est pas "parfois" et "à expliquer", mais souvent, voire toujours (la nourriture est le premier facteur épigénétique) et on connaît une bonne partie des mécanismes. Le seul truc, c'est que ce ne sont pas des mécanismes pré-déterminés puisqu'ils font entrer en jeu un élément par nature contingent : le milieu.
Et donc :
Citation :
Bref, les constructions culturelles qui modifieraient la structure de l'ADN, mais c'est tellement de la science fiction...
Ben non. La structure nucléotidique de l'ADN, certes non, en l'état des connaissances. Mais sa méthylation et donc son expression, oui ! Ce qui revient au même pour mon propos.
Par ailleurs et je vais peut-être un peu tirer la chose par les cheveux, mais le transhumanisme en vogue aujourd'hui, c'est quoi ? La thérapie génique ? Les OGM ? Si c'est pas nos créations culturelles (les sciences) qui nous permettent d'influencer directement notre structure génétique ? J'irais presque jusqu'à dire que Tchernobyl qui modifie mon ADN c'est du culturel qui restructure mon code génétique ! Mais je t'accorde que c'est un peu pousser le truc.
Donc pour conclure : je n'ai à aucun moment dit que notre culture contingente avait un puissant effet génétique, juste qu'elle avait un importance telle qu'elle pouvait, dans certaines circonstances et en partie nous reconfigurer physiquement.
En disant ça, je ne nie pas les nombreux effets déterministes des gènes, de l'évolution, de "modules cérébraux" pour ceux qui y croient, etc. Je dis juste qu'on ne peut espérer comprendre les conduites humaines uniquement en s'intéressant à ça (comme voudrait le faire la sociobiologie, la psychologie évolutionniste, une partie des neurosciences, etc), puisque la culture, même si c'est à un faible degré, joue également son rôle là-dedans.
Alors ? mon propos est toujours aussi spécieux ? Est-ce toujours aussi idiot que ce que prétendait Lamarck et à qui tout le monde donne en partie raison aujourd'hui ? (sans invalider aucunement la théorie de l'évolution, bien sûr).
Après, ta dernière remarque, désolé, mais j'ai pas du tout compris. A aucun moment j'ai proposé que les SHS se prononcent sur la formation des super novae, ni que l'humain était exceptionnel ou quoi. J'ai juste dit que ce que les sciences naturelles nous apprenaient de l'humain, c'était justement que ses créations culturelles avaient la capacité de rétroagir sur lui (dans le domaine perceptif c'est plus qu'avéré, je te passe la chiée de travaux sur les intrications entre la langue que tu parles et ta manière de raisonner ou de percevoir le monde), et donc qu'il fallait étudier ces constructions culturelles en elles-mêmes et pour elles-mêmes. Sans bien sûr négliger tous les autres paramètres constitutifs de l'humain. Bref, t'es toujours outré ?
Et Birdish,
Citation :
Ca fait du bien de lire autre chose que de la logorrhée narcisso-masturbatoire anthropocentrée.
qu'est ce qu'il lui arrive à l'ex-trader reconverti en ermite cynique ? ça faisait longtemps qu'il avait pas eu sa dose de positivisme scientiste ? t'as vu marqué Génétique, Science, et "tapons sur les littéraires", t'as pas pu résister à t'en sniffer une ligne ? Tu sais, si t'as peur de mourir, t'es pas obligé de t'en remettre à Dieu ou à la science positive qui se propose de prendre sa place en proposant des explications déterministes sur le monde, tu peux aussi juste accepter l'impermanence et la contingence du monde, ça t'évitera les sensations de manque et les rechutes.
:D